La série Esprit de Justice sur France Culture a proposé un épisode consacré à la résidence alternée. Les deux intervenants étaient Fabien Bacro, Maitre de Conférences, HDR, en psychologie du développement, à l’université de Nantes, et Barbara Régent, avocate, médiatrice et co-fondatrice des avocats de la paix.
Le journaliste Antoine Garapon aborde trois défis principaux soulevés par les séparations parentales et sur lesquels il questionne les deux personnes invitées.
L’idée que les enfants ont besoin de maternage combinée à celle qu’il leur faut de la stabilité conduit à favoriser, de fait, la garde par la mère.
Penser qu’il existerait une figure principale d’attachement va dans le même sens que les deux idées précédentes.
Dire que la résidence alternée disperse l’enfant en l’obligeant à plus de transition qu’une garde chez un parent fait que l’enfant rencontre l’autre parent deux jours par quinzaine, le week-end.
Les réponses des intervenants sont claires et précises. Nous vous invitons à écouter l’émission et à en consulter la page qui est très informative et qui complète ce qui est diffusé.
Voici ce que nous retenons de cette émission.
Deux remarques préalables
Le journaliste parle sans arrêt de « garde » alternée alors que les intervenants parlent de « résidence » alternée, comme l’énonce la loi de 2002.
Les questions du journaliste concernent les juges et leurs présupposés alors que les interventions vont montrer que ces défis concernent les parents et les avocat.e.s, au même titre que les juges, voire avant l’audience en justice.
Le débat reste cependant très pertinent, les intervenants connaissant parfaitement la situation des enfants d’aujourd’hui dans les contextes de séparations parentales.
Une définition souple de la résidence alternée
Barbara Régent définit plus souplement la résidence alternée que la définition qui est donnée habituellement. Se calant sur la réalité des familles elle indique des rythmes plus adaptés à la vie de chaque famille.
Elle cite, ainsi, l’alternance 2-2-5-5 qui permet à l’enfant d’être les mêmes jours de chaque semaine chez le même parent. C’est une alternance gagnant-gagnant. Les enfants, par exemple, n’ont pas à transporter leurs équipements d’activités culturelles ou sportives. Elle permet, aussi, à chaque parent d’avoir de telles activités, les deux jours de semaine sans enfants, toujours les mêmes d’une semaine à l’autre.
Elle cite d’autres alternances, avec des rythmes plus longs, adaptés aux adolescents, au collège ou au lycée.
Fabien Bacro met l’accent sur le temps qui est nécessaire aux enfants et aux parents pour établir, maintenir et développer des liens solides et fiables. Il précise que pour les jeunes enfants, notamment, durée et fréquence sont importantes. Pour que l’enfant jeune puisse construire des repères, il lui faut une fréquence rapide et une durée suffisante pour les contacts avec chaque parent.
Importance du rôle de chaque parent
Le maternage ne devrait plus être mis en avant, selon les deux invités de l’émission. Car ce terme renvoie à une conception de la société qui confie essentiellement à la mère les charges d’éducation et de soin aux enfants. Cela ne correspond plus aux conditions de la société d’aujourd’hui.
Les allongements récents des congés paternité montrent que la tendance est vers l’engagement équivalent des deux parents. Il faudrait peut-être parler de « besoin de parentage ».
Fabien Bacro insiste pour dire que toutes les recherches en psychologie convergent pour montrer l’importance réciproque des relations de l’enfant avec chaque parent. Les bénéfices sur tous les plans sont durables à l’âge adulte.
Le jeune âge de l’enfant justifie la résidence alternée
Fabien Bacro insiste sur le fait que l’âge de l’enfant est un critère important pour décider de la résidence alternée. Cependant, il en déduit l’inverse des présupposés sociaux et culturels en cours. (écouter un court extrait)
Pour ce chercheur en psychologie du développement, plus l’enfant est jeune, plus il a besoin de contacts réguliers et fréquents avec chaque parent. Régularité et durée sont utiles pour développer une véritable relation d’attachement.
La théorie de l’attachement actuelle, présentée par Fabien Bacro et par l’article de consensus de 70 chercheurs internationaux, montre les bienfaits de contacts précoces et durables avec chaque parent. Un réseau de relations fiables (fratrie, grands-parents, personnel d’éducation, etc.) est également bénéfique.
Construire des accords à l’amiable
Barbare Régent explique qu’elle aide les parents à construire des accords qui respectent l’intérêt de l’enfant. Elle joint l’avocat.e de l’autre parent et souvent l’accord se construit avant d’avoir recours à la justice.
Elle privilégie l’équilibre entre les deux parents. Pour elle, les parents sont les deux jambes de l’enfant, ces deux piliers. Elle essaie alors de construire, avec les parents, des solutions les meilleures pour les enfants et, tout autant, confortables pour les adultes. La solution ne tient pas durablement si elle est trop tendue pour l’un des parents. (écouter un court extrait)
Pour elle, il est important de permettre à l’enfant de partager du temps du quotidien, du temps ordinaire. Fabien Bacro va dans le même sens en parlant de l’importance du temps du retour de l’école, de la préparation du repas, du coucher et du lever. (écouter un court extrait)
Avoir tout ce temps permet, aussi, de construire l’autorité car tous les moments ne sont pas de plaisir. A l’inverse, le temps d’un week-end par quinzaine va à l’inverse de ces besoins fondamentaux.
Le conflit a des vertus
Le conflit peut être constructeur à condition qu’il soit utile à la discussion et aux dépassement des obstacles rencontrés. Ce qui est préjudiciable aux enfants comme aux adultes c’est le haut conflit. Celui-ci dure plus que de raison. Son objet n’est plus de résoudre le différend mais de gagner à tout prix sur l’autre, qui devient alors la partie adverse. Nous traiterons cette question dans un prochain billet à partir des conférences des journées d’étude du CIRPA-France à Aix-en Provence.
Fabien Bacro insiste sur l’impact négatif des hauts conflits parentaux, dont les effets apparaissent bien plus délétères que la séparation ou le mode de résidence. Il faudrait aussi préciser, bien que cela n’ait pas été dit lors de l’émission, que les propos tenus par les deux intervenants concernent exclusivement des situations dans lesquelles les enfants ne sont pas victimes de négligences, de maltraitances ou de violences intrafamiliales.
Eviter le passage du conflit vers le haut-conflit est donc une priorité dans l’intérêt de toutes les parties. C’est tout l’avantage d’une certaine médiation familiale qui a été développée, ici encore, lors de nos journées d’étude d’Aix-en-Provence, à partir de l’approche de Michèle Savourey.
D’autres sujets sont abordés et nous encourageons vraiment à écouter et ré-écouter cette émission.