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Médiation familiale et protection de l’enfance : partenariat ou rupture ?

La médiation familiale peut se construire en partenariat avec la protection de l’enfance. C’est ce que montre Michèle Savourey, psychologue clinicienne, médiatrice familiale et fondatrice de l’IPAM, lors des journées d’étude 2022 du CIRPA-France. Contrairement à l’habitude qui prône une rupture entre les deux, elle propose des pratiques de médiation adaptée à des situations de crise aggravée et à la protection de l’enfance.

Cette adaptation s’accompagne de changements. Les pratiques de médiation adaptent les conditions de la confidentialité et de la neutralité car l’objectif est la protection d’un enfant en danger. L’institution de protection de l’enfance quitte tout point de vue surplombant sur les familles afin de les aider à atteindre des objectifs précis définis avec les parents.

Comment faire ?

Michèle Savourey et ses collègues de l’IPAM proposent une approche-médiation. Ce changement de terminologie montre la rupture avec les pratiques habituelles, qui ne sont pas appropriées dans le contexte de protection d’un enfant en danger.

Ruptures avec les pratiques habituelles des acteurs sociaux

La place des parents et des familles est première. En effet, au final, ce sont eux qui ont à modifier leurs comportements vis-à-vis de l’enfant en danger. Parents et familles sont donc impliqués dès le début du processus, dès l’évaluation du contexte, et ceci jusqu’à la prise de décisions d’action.

L’ingérence des services publics dans la vie privée des familles se limite au strict nécessaire. L’action vise à des aménagements concrets pour l’enfant. L’approche-médiation met l’accent sur le présent et sur le futur. Elle ne cherche pas les causes du dysfonctionnement. Elle ne se confond pas non plus avec un travail thérapeutique visant des changements en profondeur. Ainsi, cette approche s’inscrit dans la ligne de l’article 8 de la CEDH sur la protection de la vie familiale.

La contrainte à changer de comportement est mise en avant sans ambiguïté. Les parents ne sont pas volontaires pour les interventions mises en œuvre mais obligés de le faire par la décision de justice. Cette contrainte fixe explicitement le cadre de travail mais ne se traduit pas en termes d’obligations. Pour Michèle Savourey :

La contrainte judiciaire « doit se traduire uniquement en termes de besoins à satisfaire pour l’enfant qui devront s’articuler à ceux des parents, nommés et validés par les intéressés. »

Trois articulations entre protection de l’enfance et médiation familiale

Toute médiation recouvre un processus en plusieurs étapes pour les services de médiation familiale et de protection de l’enfance. La première est une évaluation de départ qui vise à identifier et respecter chaque contexte d’intervention. Pour Michèle Savourey, trois types d’articulation sont alors possibles.

  • La mesure éducative ou placement en protection de l’enfance et la médiation familiale agissent en parallèle. Il n’y a pas de contact entre les deux. La médiation familiale peut être conseillée ou ordonnée par un juge. Les parents ont à faire avec les mesures décidées par la protection de l’enfance. La médiation familiale est profitable aux familles pour être entendues.
  • De petites concertations coordonnent les deux dispositifs. L’intervenant de la protection de l’enfance assiste au début de la médiation familiale pour définir les attentes de l’institution. Les trois parties vérifient que l’objectif donné est concret, mesurable et évaluable, pour tous. Ensuite, les services travaillent parallèlement. A la fin, un retour, préparé en médiation avec la famille, est fait à l’intervenant de la protection de l’enfance. Le travail en médiation est conduit à partir des besoins (par exemple, comment se dire les choses autrement qu’à travers la violence).
  • Un dispositif conduit par des professionnels formés à l’approche-médiation. Il s’agit d’une méthodologie pour injecter les principes de médiation familiale dans des pratiques de protection de l’enfance. Il s’agit de se former à tenir les deux bouts de chaque situation :
    • protection de l’enfant et valorisation des teneurs de l’autorité parentale ;
    • penser le danger, en termes de besoins de l’enfant à satisfaire, et chercher avec les parents des solutions ;
    • avancer, pas à pas, objectif par objectif et répondre à l’injonction de la justice.

Il s’agit de sortir l’enfant de la zone de danger. Cependant, chercher à réduire les conflits des parents est inatteignable pour les professionnels de la protection de l’enfance qui se fixeraient cet objectif. En fait, l’objectif est de protéger l’enfant du conflit, à travers la mise en place d’attitudes et des comportements concrets, souvent des petits gestes.

Les étapes de l’approche-médiation : construire un partenariat

L’approche-médiation procède en quatre étapes.

1- Nommer un objectif concret correspondant à un besoin non satisfait de l’enfant.  Par exemple, que l’enfant soit tenu en dehors des conflits (et non pas arrêter les conflits) ou que le retour en famille, le week-end, se passe sans violence.

2- Tenir compte des besoins des parents et des adultes concernés, en rapport avec l’objectif ou la difficulté à résoudre. Par exemple, se sentir mieux respecter par l’autre.

3- Faire une liste des options possibles pour atteindre concrètement l’objectif. Le professionnel peut alors repérer des idées originales et pertinentes dans les propositions des enfants et des parents.

4- Choisir l’option retenue avec validation par le professionnel. La vérification par l’intervenant de la validité des options choisies pour le jeune et la famille est une étape clé de la démarche. Lors de cette étape, chacun peut vérifier que ses propres besoins sont pris en compte et qu’il garde un pouvoir d’agir dans la décision du choix final.

Nous pouvons penser que ces options sont accompagnées d’un plan d’action. Ainsi, des actions concrètes pour atteindre l’objectif sont détaillées. En sus, des méthodes pour repérer les progrès vers l’objectif sont précisées.

Ce processus peut se clore par la formalisation d’un accord. Cette formalisation représente le moment de l’articulation de la sphère privée et de la sphère publique, évoquée plus haut en référence à l’article 8 de la CEDH (ou 7 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne) puisque ce document sera la seule trace du chemin parcouru et pourra être utilisé auprès de tiers : magistrat bien sûr, mais aussi avocats, travailleurs sociaux ou autres.

Restaurer la confiance des personnes en protection de l’enfance

Cette approche restaure la dignité des parents dont le rôle et la place sont confortés à leurs yeux et à ceux des enfants. Comme le dit Michèle Savourey :

L’approche-médiation assure la mise en valeur et la prise en compte des compétences, des forces, des ressources, des capacités des personnes et ce, quelles que soient leurs difficultés (et alors qu’elles n’y croient pas elles-mêmes le plus souvent) ainsi que la création de conditions favorisant pour elles un véritable pouvoir d’agir. Ceci afin de les aider à retrouver le contrôle, la maîtrise de leurs vies et renforcer leur niveau d’estime d’elles-mêmes en leur donnant les moyens de « pouvoir réussir

Cette approche transforme aussi les intervenants professionnels. La difficulté est que chaque intervenant repère son cadre d’intervention et s’y tienne, tout en respectant celui des autres institutions. Ainsi, dans le cas du fonctionnement en parallèle, l’intervenant protection de l’enfance peut viser à soutenir la médiation familiale. Cependant, il peut aussi être happé par le haut-conflit parental, au détriment de l’enfant. La difficulté vient que la médiation doit rester un tiers neutre alors que, en parallèle, l’intervention de protection de l’enfance reste toujours du parti de l’enfant.

Les vidéos de toutes les interventions des journées d’étude sur l’espace membre

La vidéo de l’intervention complète de Michèle Savourey lors des journées d’étude 2022 du CIRPA-France est disponible au public.

Les vidéos des autres interventions sont disponibles depuis quelques semaines pour les membres du CIRPA-France. Elles seront offertes à toutes et tous en septembre.

2 commentaires sur “Médiation familiale et protection de l’enfance : partenariat ou rupture ?”

  1. Retour de ping : Audition de l'enfant : guide de bonnes pratiques professionnelles - CIRPA-France

  2. Retour de ping : Publication des interventions aux Journées d’Étude d’Aix-Marseille ! - CIRPA-France

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