Nous présentons dans ce billet et le suivant un arrêt de la Cour d’appel de Besançon – 2e ch. civ. (24 février 2022/n° 21/00526). L’arrêt doit être mis en lumière tant par la richesse de sa motivation que par sa structure. Dans cet arrêt, la résidence alternée est montrée comme un moyen privilégié de respecter l’intérêt de l’enfant, avec les réserves d’usage, évidemment.
Après avoir eu un enfant en juin 2017, le couple se sépare dans le courant du mois d’octobre 2017. Suivant jugement du juge des affaires familiales du tribunal de grande instance de Vesoul, en date du 2 mai 2018, l’exercice de l’autorité parentale sur l’enfant mineur a été partagé entre les deux parents, la demande de résidence alternée formulée par le père a été rejetée en raison de l’éloignement des deux parents, et la résidence de l’enfant fixée au domicile de la mère.
Après s’être installé dans un nouveau domicile et réorganisé son temps professionnel, le père a saisi le JAF de Besançon d’une demande de mise en œuvre de la résidence alternée concernant l’enfant. Par jugement en date du 23 mars 2021, le magistrat en charge du contentieux familial a fait droit à la requête du père et dit que l’enfant résiderait alternativement au domicile du père et de la mère selon un rythme hebdomadaire. Au soutien de son appel, la mère invoque la non prise en compte du vécu de l’enfant antérieurement à la décision contestée, son soudain changement comportemental attestant d’un mal être, et le jeune âge de l’enfant.
La cour d’appel par une décision extrêmement étayée va débouter la mère et confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le juge délégué aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Besançon en date du 23 mars 2021. L’arrêt doit être mis en lumière tant par la richesse de sa motivation que par sa structure. De façon très pédagogique, la Cour construit un raisonnement en deux parties.
Ce billet traite de la première partie qui fait le rappel des textes concernant la résidence alternée. Un second billet traitera de leur application au cas concret qui est jugé.
La résidence alternée entendue comme la modalité garantissant l’efficience d’une coparentalité
Dans un premier temps, la cour prend un soin minutieux à rappeler le corpus de textes et les enjeux inhérents. Tant les textes internationaux (art. 7.1 et 18.1 de la CIDE) que les textes internes (art. 373-3 du c. civ.) posent l’exigence d’une double responsabilité parentale, ou coparentalité. Selon la Cour « cette émergence de la coparentalité, qui solidarise les obligations de chacun des parents en vue de garantir à l’enfant un cadre de vie propice à son bon développement, n’est pas seulement un concept anthropologique qui évoque l’un des rouages de la transmission inter-générationelle mais une notion proprement juridique dont l’opérance en droit positif résulte de la jurisprudence récente (Cass. 1° Civ. 26 janvier 2022 n° 20-16.736). »
Partant de cette analyse de la coparentalité, elle poursuit en affirmant que « Sous ce rapport, la résidence alternée, dont le principe est posé à l’article 373-2-9 du code précité, peut être appréhendée comme le vecteur directeur de cette coparentalité qui subsiste après la séparation du couple parental. Elle permet ainsi de pérenniser le double ancrage identitaire de l’enfant en assurant ainsi une construction de sa personnalité en lien avec ceux à qui incombe, au premier chef, cette responsabilité. Ces deux apports simultanés, que favorise cette alternance, ne peut qu’être bénéfique à l’enfant puisqu’elle permet de catalyser les effets conjugués de cette double appartenance lignagère en lui assurant tout au long de son parcours vers l’autonomie un soutien affectif et éducatif, soit pour le consolider en acquis, soit pour s’en émanciper. Dans cette optique, la résidence alternée ne peut être regardée comme une simple modalité de répartition des attributs de l’autorité parentale qui permettrait d’instaurer un juste équilibre entre les intérêts antagonistes en présence mais comme l’instrument d’une coopération nécessaire entre les deux parents au seul bénéfice de l’enfant commun. »
Les avantages reconnus de la résidence alternée
Cette prévalence de la résidence alternée comme garantie d’efficience de la coparentalité peut selon la cour, notamment être corroborée par le rang prioritaire qui lui est accordé par le législateur dans l’énumération des modalités possibles d’aménagement des conditions de vie de l’enfant à l’article 373-2-9. Et sur le terrain, par la reconnaissance par la Cour de cassation des avantages que présente la résidence alternée (« elle favorise le maintien et le développement de relations harmonieuses de la mineure avec chacun de ses deux parents. » Cass. 1° Civ.12 juin 2014 n° 13-15.411).
La conclusion est limpide : « De l’ensemble de ces considérations il résulte que la résidence alternée doit être privilégiée si les conditions minimales à son instauration sont réunies (proximité géographique des deux domiciles, absence de réticence manifeste de l’enfant, apaisement du conflit parental) mais sous le substrat de l’intérêt supérieur de l’enfant qui constitue le pole magnétique autour duquel s’ordonnent les modalités d’organisation de son cadre de vie. Dès lors, l’interruption de la mesure ne peut se concevoir que moyennant la preuve d’une cause grave qui, comme en matières de retrait à l’un des parents de l’autorité parentale, est de nature à compromettre l’intérêt de l’enfant. »
Une conclusion soutenue par une partie de la doctrine
Cette conclusion était soutenue par une partie de la doctrine défendant cette théorie selon laquelle le droit fondamental de l’enfant d’être élevé sous la responsabilité de ses deux parents ne peut être efficient que si la résidence alternée est envisagée comme un principe sous réserve de l’intérêt de ce dernier.
Les bases et les principes posés, il fallait à la Cour examiner dans un second temps les termes du litige qui lui étaient soumis. Ce que rapportera le prochain billet.
Parmi les textes utiles
B. Lehnisch, C. Siffrein-Blanc, « Résidence alternée, et intérêt de l’enfant regards croisés de magistrats », AJ. Famille, juillet aout 2021, p. 403
C. Siffrein-Blanc, « Les critères de la mise en place de la résidence alternée : études de décisions de Cour d’appel (Bordeaux, Lyon, Aix-en-Provence, Versailles », Dr. famille, juillet-aout 2019, dossier spécial, p. 15, n°28
Jeremy Antippas, « Liberté́, égalité, parentalité Réflexion à partir de la proposition de loi n° 4557 du 12 octobre 2021 », D. 9 décembre 2021, p. 2188
B. Lehnisch et C. Siffrein-Blanc, « Séparation, temporalité des modalités de résidence : Paroles de magistrats » in « Le temps, la séparation parentale, l’enfant et la justice : entre urgence et prudence » actes des journées d’études Nantes, Décembre 2021, PUR, 2022, à paraitre)
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